On ne
peut préjuger, à cette étape cruciale des négociations marathon du Bourget, de
ce que sera la place véritable de l’agriculture et des systèmes agricoles dans
l’Accord universel contraignant et
différencié qui en sortira ; et moins encore pinailler, d’ors et déjà, sur
les chiffres en milliards de dollars du volume d’argent qui devrait leur être
consacrés dans les projets et programmes
du processus « climat » post 2020. Mais une chose est cependant claire (et la chose se vérifiera
encore d’avantage sur le continent africain considéré à raison comme
l’épicentre des changements climatiques en raison de la variabilité extrême des
aléas et la grande vulnérabilité de ses populations face aux risques) : Rien,
rien en ce qui concerne ce binôme transversal agriculture-sécurité
alimentaire ne sera ne désormais plus
comme avant. Que ce soient aussi bien dans le domaine des représentations ou simplement dans la manière de concevoir les
politiques et de définir les mécanismes et stratégies de leur conduite dans les
choix de développement…
Ceci pour dire pour dire que quelque soit le
contenu de l’Accord attendu de la COP 21, c’est à une véritable révolution
copernicienne à laquelle devrait nous préparer le nouveau régime climatique qui
en sortira secteur pour ce qui concerne le secteur agricole, secteur paradoxal
comme aucun, à la fois source controversée parmi plus
des plus grosses émettrices de gaz à effet de serre et élément central des
dispositifs de leur absorption aux bénéfices d’un meilleur équilibre climatique
à l’échelle du globe. C’est tout au mérite des organisateurs de la COP 21 PARIS
2015 et, notamment de la diplomatie environnementale française qui a pris le temps et la lucidité d’écouter
d’autres voix du monde porteuses d’autres voies de développement que ce qui
était admis jusque là par les establishments des économies carbonées et
prédatrices des biens communs de l’humanité que sont nos ressources naturelles.
Ces organisateurs de la COP de Paris n’ont pas uniquement
réussi à remettre l’agriculture et la sécurité alimentaire au cœur de l’agenda
des débats de la conférence internationale de Paris sur le climat. Ils sont, aussi et du coup parvenus à
conférer à la problématique
agriculture-sécurité alimentaire une dignité inédite toujours niée à la
question de la mise en place d’un programme de travail sur l’agriculture qui
aborderait à la fois l’atténuation, l’adaptation et les moyens de mise en œuvre
est donc envisagée.
Le fait est loin d’être
anodin. Car, c’est à dessein que toutes
les tentatives visant à remettre l’agriculture et la sécurité alimentaire à
l’ordre du jour des débats sur le climat mondial, aient été chaque fois repoussées.
Les
tergiversations nombreuses notées dans la définition des agendas comme axes de travail établis et qui auraient dû
permettre ,entre la COP 17 à Durban, à
la COP 18 de Doha , d’aborder frontalement ces questions et non de les éliminer,
s’explique pour cette raison qui n’a pas échappé aux experts, auteurs de la Note de décryptage des enjeux de la COP
21 PARIS 205 réalisé pour le compte de l’institut de la francophonie pour
le développement durable (IFDD) :
« En 2011, les Parties ont décidé à
Durban de remettre la question de l’agriculture aux mains de l’OSCST avec pour
objectif d’obtenir un accord sur cet enjeu un an plus tard à Doha153. Mais,
faisant face à de nombreuses divergences, les Parties n’ont pas encore trouvé
d’entente à ce jour sur les éléments d’une décision pour l’agriculture. En
effet, les pays en développement craignent d’avoir à fournir des efforts de
réduction d’émissions dans le secteur agricole. Pour ces pays, il s’agit d’un
secteur économique clé représentant parfois plus du tiers du Produit intérieur brut
(PIB), notamment dans les PMA. D’éventuels engagements d’atténuation pour le
secteur agricole pourraient donc avoir des conséquences néfastes sur leurs économies.
Ainsi, les pays en développement, et particulièrement les PMA et le Groupe
africain, insistent pour que les discussions sur l’agriculture soient axées sur
l’adaptation et prennent en compte les priorités de sécurité alimentaire ».
Ainsi il faut comprendre l’argument «
d’une traversée caillouteuse » que la sécurité alimentaire et nutritionnelle
ont connue tout au long de l’histoire de la Conférence des nations unies sur
les changements climatiques ( CCNUCC) développé par Rachel Kyte,
Vice-présidente et envoyée spéciale pour la lutte contre le changement
climatique de la Banque mondiale. La même auteure qui intervenait au panel organisé par le Groupe de travail mondial
sur les systèmes agricoles et alimentaires pour la nutrition tenu le 8
décembre dernier au Pavillon africain du Bourget sur les « Systèmes alimentaires intelligents face au climat pour l’amélioration de
la nutrition » ayant conclu sur cette note: « l’Afrique se
trouve sur la ligne de front en termes à la fois de solutions et de défis posés
à la sécurité alimentaire et nutritionnelle.
L’Afrique serait en mesure de se nourrir avec une amélioration de la
recherche et de l’innovation dans la logistique du commerce agricole, de
l’infrastructure et du stockage des denrées et d’une augmentation des
partenariats public-privé (…) Nous ne
pouvons nous considérer comme résistants que si nous parvenons à fournir des
aliments nutritifs », et a exprimé l’espoir de voir le courage s’accroitre au
niveau mondial pour assurer la sécurité alimentaire.
On ne peut apprécier l’ampleur de la situation qui
vient décrite et qui est grosse de tous les possibles en termes de dérives
politiques et de convulsions sociales à la seule aune des responsabilités des
pays africains qui sont engagés comme engoncés dans une sorte de camisole de
force historique dans un processus économique et géopolitique vieux déjà de plusieurs siècles où du fait de
leur statut de colonisés ayant subi des décennies de traite négrière
auparavant, ils n’ont pas s’affranchir sans en payer le prix fort.
Il
devrait en être de même de l’atténuation qui implique une distinction entre les
engagements pris par les pays développés et les actions d’atténuation propres
prises par les pays en développement. Ces actions nationales d’atténuation
(NAMAs) devront être pleinement appuyées et facilitées par le transfert de technologies,
l’octroi de financement et le renforcement de capacités par les pays
développés. D’ailleurs selon les recommandations du GIEC, 1,5 % du PIB des pays
développés est attendu pour le financement additionnel pour la lutte contre le
dérèglement du climat. Laquelle n’a de
chance d’aboutir qu’avec une implication concertée de l’expertise
internationale et de la décision politique visant à conférer aux communautés
les moyens de s’adapter aux effets pervers de ces changements climatiques.
L’insécurité
alimentaire est, pour nos pays africains et du sud d’une manière générale, un
indice patent de notre vulnérabilité partagée. Le caractère urgent d’une telle
démarche a été bien illustré ici nos
compatriotes Mamadou Khouma,
Alioune Badara Kaere, tous deux
ingénieurs agronomes, experts en inventaire des gaz à effets des serre (Ges) et
auteurs d'éclairants articles publiés dans le numéro 2 de la revue "Tiempo Afrique" ( Bulletin
sur le climat et le développement -novembre 2009 "). Pour ces deux
chercheurs entre autres effets collatéraux des changements climatiques il
y a la diminution de la biodiversité, une plus grande extension des maladies
endémiques et une baisse des productions végétales. Des dimensions qu'il faut
relier à la question de l'insécurité alimentaire à la quelle une grande partie
du continent est confrontée et "qui est, au delà des chiffres, une
question qui interpelle du point de vue éthique, surtout que les risques
d'exacerbation et leur impact négatif sur les communautés vulnérables, sont
réels sous l'effet des changements climatiques."
Au
regard de ce que représente la question cruciale de l'insécurité alimentaire
dans cette région du Sahel qui a connu deux grandes sécheresses au cours des
dernières décennies 1969-1973
et1983-1985 et où la production
céréalière, tributaire essentiellement d'un agriculture de type pluvial,
connaît des fluctuations souvent négatives, cet effort ne va pas sans compter
avec l'accent à mettre sur la formation des personnels scientifiques et
technique ainsi que les personnels de gestion des projets et programmes. Mais
cet effort n'a de chance d'aboutir à des résultats tangibles et profitables aux
communautés que s'il est mené en relation avec cette nécessaire "adaptation
institutionnelle" qui , selon Kaere,
devra s'analyser en termes "de nouvelles dynamiques à mettre en
place pour assurer une utilisation efficace de l'information par les politiques
nationales et locales pour le compte des groupes vulnérables.
Comme
y a toujours appelé le Professeur Isabelle Diop Niang de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar qui participe depuis plusieurs années aux
études et travaux du Giec et qui a dirigé pour le compte de l’Unesco, un grand
projet international sur la question de la vulnérabilité et l'adaptation dans
les communautés humaines de la frange atlantique du continent africain, l’Accord
qui sortira des négociations de la COP de
Paris devrait permettre aux communautés de se doter des moyens de leur
propre résilience ; et aux Etats de
créer les conditions d’un véritable renforcement des capacités. Et ceci, à un
double plan. D'abord, du développement des ressources humaines de qualité dont
nos pays ont besoin pour faire face et de s'adapter à des situations d'urgence
similaires. Et de l'instauration,
ensuite, " de véritables transferts de technologies relatifs, tant aux
processus industriels permettant de réduire les gaz à effet de serre qu'aux
technologies permettant de s'y adapter".
Moustapha SÈNE
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