Laurent Fabius |
La journée du 08 décembre a été
marquée par une forte mobilisation de la société civile. Les ONG des pays
vulnérables et ceux des pays riches sont venus dénoncer l’orientation que
prennent les débats autour de l’accord sur le climat.
Depuis le lundi 7 décembre, les
négociateurs de la COP21 ne cessent de changer de salle pour conduire leurs
débats. La raison est toute simple, les organisations de la société civile ne
cessent de battre le macadam sur le site du Bourget pour exprimer leur
mécontentement.
Bien entendu la police des Nations Unies confine les
manifestants dans des zones reculées des salles de négociation pour ne pas
qu’une action de colère ne vienne perturber les échanges dans une France déjà
sous tension. Le leadership du pays organisateur s’effrite au fil des heures si
bien que les acteurs présents à Paris se demandent si François Hollande n’a pas
surévalué la capacité de son gouvernement à convaincre les différentes
délégations présentes. En effet, les échos des négociations qui parviennent aux
médias et aux organisations de la société civile ne sont pas de nature à
rassurer. Les négociateurs continuent de mettre entre parenthèse les problèmes
les plus importants tout en écartant la logique d’un accord contraignant. Les
questions de financement, de droit de l’homme, d’adaptation, d’atténuation et
même le mécanisme concret pour arriver à maintenir le réchauffement climatique
en-dessous des 1,5 degrés n’ont pas encore trouvé une place de choix dans les
échanges. Toutes les bonnes intentions affichées lors de la cérémonie
d’ouverture sont en train de se transformer en vœu pieux !
Les intérêts nationaux refont surface
Tous semblent opposer les
négociateurs des 195 Etats membres au moment où les intérêts des uns et des
autres priment sur l’avenir de la planète. Les mêmes "petites"
remarques, les mêmes "gros" intérêts qui ont freiné tout accord sur
le climat en 20 ans de négociation sur l’avenir de la planète ont de nouveau refait
surface. Les gros pollueurs, les nations émergentes et les pays vulnérables
campent sur leur position et personne ne semble disposé à lâcher du lest. A
titre d’exemple, la question de l’occupation des terres pour des raisons
économiques ou historiques pose problème à une puissance comme Israël qui
refuse qu’un accord prenne en compte la question en raison de l’épineux
problème des colonies. La Palestine se voit mal de son côté à parapher un
accord qui écarte cette question crucial du droit à la terre. Sur la question
de l’accaparement des terres, les mines de certains Etats se grisent. Les Etats
Unis et l’Arabie Saoudite sont mal à l’aise sur ce dossier en raison de
l’offensive commerciale que certaines entreprises des pays cités ont lancé sur
les terres fertiles d’Afrique. Les pays émergents notamment l’Inde, le Brésil
et la Chine soutiennent les prises de position de l’Afrique mais leurs
ambitions de croissance au détriment du respect des droits fondamentaux de
l’homme se heurtent à la position africaine basée en grande partie sur les
droits garantis à chaque individu et chaque communauté. Au fil des différentes
COP, l’Afrique affiche une relative unité à Paris. Les longues rencontres entre
négociateurs africains ont accouché d’une position commune. L’Afrique qui ne
pollue pas subit de plein fouet les émissions des pays riches et demande donc
une compensation. Pour les négociateurs du continent, les questions de
financement, d’adaptation et d’atténuation doivent trouver une solution claire
dans l’accord. L’Afrique demande que les clauses relatives aux droits des
minorités, des femmes et des petites communautés et des peuples autochtones
soient prises en compte. Sur le point précis des droits de l’homme, des pays
d’Amérique latine comme le Mexique soutiennent la démarche de l’Afrique et
demande même que l’article 2 de l’accord évoque clairement la question des
droits de l’homme.
Directeur Green Peace France |
Agir maintenant ou subir à jamais !
Les ONG des pays vulnérables et
ceux des pays riches refusent d’assister à la forfaiture politique qui se
prépare dans le secret des négociations. Il faut bien que certains Etats se
décident à faire monter la température des débats pour que la planète puisse
refroidir ! Le laxisme des pays vulnérables risque de conduire à un accord
a minima. « Vous voulez un accord alors
le voici ! Voilà ce à quoi nous assistons aujourd’hui. Nous nous rendons
compte que les négociateurs veulent nous imposer un accord qui sera vide et qui
ne répondra en rien aux besoins des pays les plus vulnérables »
déplore Mawusé Kodjo membre du PACJA (Panafrican climate justice alliance).
L’accord définitif de Paris n’est qu’une question d’heure et si les choses ne
changent pas dès maintenant, le texte final ne sauvera pas la planète d’un
réchauffement destructeur déjà programmé par la communauté scientifique.
L’heure est venu pour que les Etats les plus affecté puissent faire bloc pour
influencer une bonne fois pour toute les le dernier virage des négociations.
« Il n’y a pas beaucoup d’Etats qui ont intérêt à avoir un accord ambitieux »,
regrette Réseau action climat. « S’il y a un moment où il faut prendre le risque de se
fâcher avec certains états, c’est maintenant », avance Jean-François
Julliard, directeur général de Greenpeace. Il est préférable de se mettre à dos
certains "amis" que de les laisser pourrir la situation puisse
qu’elle les arrange. Au-delà de la volonté, l’argent aura bien sûr un pouvoir
de dissuasion et de persuasion. Les pays riches feront planer la menace du retrait
de leur financement pour forcer la main aux pays vulnérables et c’est déjà le
cas. L’Europe (UE) n’est arrivé à un compromis sur le dossier des taxes sur les
transactions financières sensé alimenter le fond mondial. On en parle depuis
des années et rien ne vient ! A l’occasion de la COP21, ses défenseurs
espéraient un signal fort en provenance de Bruxelles, où se tenait ce mardi 8
décembre une réunion pour enfin définir cette taxe. La montagne a accouché
d’une souris ! « Aujourd’hui, on attendait un accord ambitieux à Bruxelles
et on se retrouve une nouvelle fois avec un accord de façade, un accord
repoussé à juin prochain », déplore Armelle Le Comte, chargée de plaidoyer
climat et énergie pour l’ONG Oxfam, à l’occasion d’un point presse. « Et il n’y a
aucune certitude que cette taxe ira à la solidarité internationale et à la
lutte contre le réchauffement climatique. Et cela intervient en pleine COP21 » a-t-elle conclu.
La France qui a affiché un leadership fort à l’ouverture de la COP21 et qui en
assure la présidence doit définitivement monter au créneau pour aller chercher
les pays qui bloquent le dialogue car il reste très peu de temps
pour déboucher sur un texte consensuel et politique correcte.
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