jeudi 10 décembre 2015

Accord sur le climat: La société civile inquiète de la tournure des négociations

Laurent Fabius
La journée du 08 décembre a été marquée par une forte mobilisation de la société civile. Les ONG des pays vulnérables et ceux des pays riches sont venus dénoncer l’orientation que prennent les débats autour de l’accord sur le climat.
Depuis le lundi 7 décembre, les négociateurs de la COP21 ne cessent de changer de salle pour conduire leurs débats. La raison est toute simple, les organisations de la société civile ne cessent de battre le macadam sur le site du Bourget pour exprimer leur mécontentement.

Bien entendu la police des Nations Unies confine les manifestants dans des zones reculées des salles de négociation pour ne pas qu’une action de colère ne vienne perturber les échanges dans une France déjà sous tension. Le leadership du pays organisateur s’effrite au fil des heures si bien que les acteurs présents à Paris se demandent si François Hollande n’a pas surévalué la capacité de son gouvernement à convaincre les différentes délégations présentes. En effet, les échos des négociations qui parviennent aux médias et aux organisations de la société civile ne sont pas de nature à rassurer. Les négociateurs continuent de mettre entre parenthèse les problèmes les plus importants tout en écartant la logique d’un accord contraignant. Les questions de financement, de droit de l’homme, d’adaptation, d’atténuation et même le mécanisme concret pour arriver à maintenir le réchauffement climatique en-dessous des 1,5 degrés n’ont pas encore trouvé une place de choix dans les échanges. Toutes les bonnes intentions affichées lors de la cérémonie d’ouverture sont en train de se transformer en vœu pieux !
Les intérêts nationaux refont surface
Tous semblent opposer les négociateurs des 195 Etats membres au moment où les intérêts des uns et des autres priment sur l’avenir de la planète. Les mêmes "petites" remarques, les mêmes "gros" intérêts qui ont freiné tout accord sur le climat en 20 ans de négociation sur l’avenir de la planète ont de nouveau refait surface. Les gros pollueurs, les nations émergentes et les pays vulnérables campent sur leur position et personne ne semble disposé à lâcher du lest. A titre d’exemple, la question de l’occupation des terres pour des raisons économiques ou historiques pose problème à une puissance comme Israël qui refuse qu’un accord prenne en compte la question en raison de l’épineux problème des colonies. La Palestine se voit mal de son côté à parapher un accord qui écarte cette question crucial du droit à la terre. Sur la question de l’accaparement des terres, les mines de certains Etats se grisent. Les Etats Unis et l’Arabie Saoudite sont mal à l’aise sur ce dossier en raison de l’offensive commerciale que certaines entreprises des pays cités ont lancé sur les terres fertiles d’Afrique. Les pays émergents notamment l’Inde, le Brésil et la Chine soutiennent les prises de position de l’Afrique mais leurs ambitions de croissance au détriment du respect des droits fondamentaux de l’homme se heurtent à la position africaine basée en grande partie sur les droits garantis à chaque individu et chaque communauté. Au fil des différentes COP, l’Afrique affiche une relative unité à Paris. Les longues rencontres entre négociateurs africains ont accouché d’une position commune. L’Afrique qui ne pollue pas subit de plein fouet les émissions des pays riches et demande donc une compensation. Pour les négociateurs du continent, les questions de financement, d’adaptation et d’atténuation doivent trouver une solution claire dans l’accord. L’Afrique demande que les clauses relatives aux droits des minorités, des femmes et des petites communautés et des peuples autochtones soient prises en compte. Sur le point précis des droits de l’homme, des pays d’Amérique latine comme le Mexique soutiennent la démarche de l’Afrique et demande même que l’article 2 de l’accord évoque clairement la question des droits de l’homme.
Directeur Green Peace France
Agir maintenant ou subir à jamais !
Les ONG des pays vulnérables et ceux des pays riches refusent d’assister à la forfaiture politique qui se prépare dans le secret des négociations. Il faut bien que certains Etats se décident à faire monter la température des débats pour que la planète puisse refroidir ! Le laxisme des pays vulnérables risque de conduire à un accord a minima. « Vous voulez un accord alors le voici ! Voilà ce à quoi nous assistons aujourd’hui. Nous nous rendons compte que les négociateurs veulent nous imposer un accord qui sera vide et qui ne répondra en rien aux besoins des pays les plus vulnérables » déplore Mawusé Kodjo membre du PACJA (Panafrican climate justice alliance). L’accord définitif de Paris n’est qu’une question d’heure et si les choses ne changent pas dès maintenant, le texte final ne sauvera pas la planète d’un réchauffement destructeur déjà programmé par la communauté scientifique. L’heure est venu pour que les Etats les plus affecté puissent faire bloc pour influencer une bonne fois pour toute les le dernier virage des négociations. « Il n’y a pas beaucoup d’Etats qui ont intérêt à avoir un accord ambitieux », regrette Réseau action climat. « S’il y a un moment où il faut prendre le risque de se fâcher avec certains états, c’est maintenant », avance Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace. Il est préférable de se mettre à dos certains "amis" que de les laisser pourrir la situation puisse qu’elle les arrange. Au-delà de la volonté, l’argent aura bien sûr un pouvoir de dissuasion et de persuasion. Les pays riches feront planer la menace du retrait de leur financement pour forcer la main aux pays vulnérables et c’est déjà le cas. L’Europe (UE) n’est arrivé à un compromis sur le dossier des taxes sur les transactions financières sensé alimenter le fond mondial. On en parle depuis des années et rien ne vient ! A l’occasion de la COP21, ses défenseurs espéraient un signal fort en provenance de Bruxelles, où se tenait ce mardi 8 décembre une réunion pour enfin définir cette taxe. La montagne a accouché d’une souris ! « Aujourd’hui, on attendait un accord ambitieux à Bruxelles et on se retrouve une nouvelle fois avec un accord de façade, un accord repoussé à juin prochain », déplore Armelle Le Comte, chargée de plaidoyer climat et énergie pour l’ONG Oxfam, à l’occasion d’un point presse. « Et il n’y a aucune certitude que cette taxe ira à la solidarité internationale et à la lutte contre le réchauffement climatique. Et cela intervient en pleine COP21 » a-t-elle conclu. La France qui a affiché un leadership fort à l’ouverture de la COP21 et qui en assure la présidence doit définitivement monter au créneau pour aller chercher les pays qui bloquent le dialogue car il reste très peu de temps pour déboucher sur un texte consensuel et politique correcte.






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