lundi 7 décembre 2015

Editorial: Justice climatique, justice pour tout dire

La crise climatique est le plus puissant révélateur social des asymétries de développement entre le Nord et le Sud ; elle ne saurait donc trouver une solution idoine à l’échelle du globe sans que l’on ne tienne compte des obligations des économies carbonées et  fortement émettrices de gaz à effet de serre (Ges) et la construction d’un modèle de développement sur de nouveaux paradigmes. Ces thèses n’ont eu de cesse de prospérer des décennies bien avant. Mais surtout depuis un an après l’Appel de Lima  au cours du  Sommet éponyme sur le climat mondial  le dernier a s’être tenu sur le sol andin de Pérou pour une résolution politique du « déficit d’ambition » des pays développés à baisser leurs émissions de façon à maintenir la hausse de la  température mondiale à 2 degrés C., ces thèses ont irradié les débats avant et durant la COP 21 PARIS 2015… 

Médiatisées de main de maitre et portées qu’elles ont été par des cercles de militants et intellectuels altermondialistes à l’avant-garde de la Société civile internationale engagée dans le débat et les combat en faveur  d’une plus grande  justice climatique qui, comme de nombreux citoyens, de par le monde, auraient souhaité les voir se décliner en une réalité juridique actée dans  la mouture non finalisée du projet d’Accord adopté par les experts au Bourget. C’est donc à raison qu’avec cette pertinente prégnance qui leur est associée que ces thèses continuent de saturer l’ambiance de cette COP 21 à mi-parcours. 

Et que surtout, avec le charme coloré propre aux rencontres altermondialistes, elles restent au cœur des débats lors du Sommet citoyen sur le climat. Mais également partout ailleurs à Montreuil devenu l’épicentre de ces débats et où le village des alternatives,  du fait d’impératifs sécuritaires liés aux attentats du 13  novembre dernier dans la capitale française, n’a finalement démarré  que vendredi dans une effervescence populaire aux antipodes des ambiances aseptisées et quasi-bunkerisées des salles et allées du réduit du Bourget.

A cet instant crucial de notre évolution où l’avenir du monde et du continent africain va se jouer pour beaucoup, au Bourget dans la capitale française sous l’égide des Nations unies les négociations internationales sur le Climat,  il faudra surtout se convaincre que, non seulement l’Afrique demeure la grande oubliée du régime international sur le climat. Mais encore que c’est en raison de modes de vies en vigueur dans les pays industrialisés du Nord et  leurs modèles de développement basés sur une utilisation quasi-minière des ressources naturelles de la planète et notamment de combustibles fossiles (charbon, pétrole etc.) et une économie imposée arrimée par ces mêmes pays à une production industrielle de masse que  se sont créés les importants déséquilibres climatiques dont l’Afrique est la première victime.

Pour les activistes du village des alternatives de Montreuil, la première de ces obligations incombant aux pays développés c’est qu’ils doivent réduire de façon drastique et immédiatement leurs émissions des gaz à effet de serre (de 40% au minimum en 2020 par rapport à l’année de référence qui est l’année 1990. Ces pays devront ensuite  (et c’est leur seconde et moindre obligation) : il faut qu’ils soutiennent fortement (par des flux financiers et technologiques) les pays en développement dans leur effort pour faire face aux changements climatiques et pour limiter  leurs émissions de gaz à effet de serre. Faire face, c’est s’adapter comme disent les experts spécialistes en négociations « Climat ». 

Or comme l’a montré un des plus illustres d’entre eux, le Dr  Jean Philippe Thomas qui a dirigé le Programme Energie environnement et développement de ENDA : « Si tout le monde s’accorde sur le fait que ne pas se soucier des effets des changements climatiques peut compromettre les objectifs de développement, à l’inverse faire de l’adaptation en dehors du développement ne serait pas durable. Le lien avec le problématique du développement semble incontournable, cela inclut la manière dont les populations intègrent les changements de leur environnement et de leurs conditions climatiques et environnementales, font appel aux connaissances, aux savoirs faire et aux expériences accumulées face à de nouvelles conditions climatiques. Ce qui n’est pas une nouveauté et ne résout pas le problème ».

Pour cet expert comme pour ses collègues altermondialistes du Réseau  « Climat et développement », il faut, pour tout dire, changer d’échelle et passer à «  l’adaptation anticipative qui est plus  proche des modalités de développement puisqu’elle accroît les capacités à faire face aux impacts des  changements climatiques ». D’où la priorité donnée au développement  considérée ainsi par  Jean Philippe Thomas comme axe majeur  de cet engagement nouveau attendu de l’Accord universel contraignant et différencié à la fin des travaux de la COP 21 PARIS 2015 dont les ministres après le panel des experts et en tant que plénipotentiaires des Chefs d’Etat et de gouvernement du globe après vont discuter des items et autres subtilités sémantiques encore  « between brackets ». C'est-à-dire de tous ces passages du texte entre guillemets suspendus ou grisés à dessein et sur lesquels les politiques dans le sillage de leurs négociateurs ou avec eux  vont guerroyer dur avant de s’entendre sur l’accord politique de ce qui sera le document final de la COP 21. 

Un document dont le contenu autant que la phraséologie juridique et la technicité seront décortiqués à bon escient par les plus avisés des experts de ces mouvements altermondialistes réunis à Montreuil. Les mêmes qui, en plus d’avoir bien montré les liens pertinents pouvant exister entre la nécessité d’une justice sociale à l’échelle du globe et les mutations écologiques caractéristiques des évolutions du monde actuel, auront surtout contribué, au cours de ces dernières années, à créer une nouvelle prise de conscience des répercussions environnementales du système économique et géopolitique dominant.
La vision écologique portée par l’alter-mondialisme version Forum social mondial (Fsm) aura surtout permis une lecture des relations entre pays et parties du monde à partir d’un nouveau paradigme  et permis ainsi  d’affiner et de donner de la substance à des concepts comme la préservation de l’environnement comme d’un bien public commun, au refus de la subordination systématique au marché et au marché du capital spéculatif. Mais surtout à l’annulation de la dette des pays pauvres anciennement colonisés, à l’idée d’un green new deal qui procède d’un mode alternatif de régulation publique et de redistribution des revenus issus des ressources naturelles des pays et à la mise en place d’outils et mécanismes de financement innovants pour financer la lutte contre le réchauffement climatique , les gaz à effet de serre et toutes les autres formes d’iniquité et d’inégalités écologiques connues.
La question majeure que pose, en dernière instance, l’alter-mondialisme écologique c’est celle de ce nouveau leadership à promouvoir pour un développement durable en Afrique. Ce leadership de rupture consistant à savoir comment se donner les moyens de rompre l'intenable spirale de la paupérisation historique consécutive aux programmes d'ajustement structurel. Lesquels ont plongé l'Afrique dans une crise profonde et multiforme, à la faveur d’une mondialisation à pas forcés, conduite tout au cours des deux dernières décennies précédant ce millénaire naissant et qui ont amené  M. Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’Economie et ancien économiste en chef de la Banque mondiale a décriée avec véhémence ces décennies perdues pour le développement dans son ouvrage intitulé «  La Grande désillusion » (Paris, Fayard 2003). 

Un livre-phare et un document d’anthologie dans le domaine de développement durable  dont les idées-forces ne sont pas sans rappeler les propos de notre confrère Emile Malet, Rapporteur général du Forum mondial sur le développement durable qui s’est tenu en terre africaine de Ouagadougou à quelques semaines seulement de la tenue du Sommet de Copenhague  pour qui :  « Il y a ici et maintenant une opportunité à agir , à agir vite et dans une perspective durable. La crise économique comme le réchauffement climatique se décline comme un révélateur social des asymétries de développement entre le Nord et le Sud et comme une sanction aussi dramatique qu’injuste en frappant le Sud à travers les zones précaires et les populations démunies. Cet accablement ne fera que grandir en cas de réchauffement climatique par ce qu’une élévation de température de 2°5 dans les pays industrialisés et riches seront portés au double voire au triple dans une Afrique qui regroupe statistiquement une écrasante majorité de pays pauvres, vulnérables au plan sanitaire et sous équipés en infrastructures de base.».


   La même conclusion  quasiment à la quelle a abouti le rapport du Programme des nations unies pour l’environnement (PNUE 2001) intitulé  « Point sur l’avenir de l’environnement en Afrique - Rapport  de synthèse intégré : mise à jour ». Rapport où dans, le chapitre portant sur les modifications de l’environnement et la vulnérabilité des hommes, on incrimine, non seulement les changements de l’état de l’environnement au niveau mondial et la mauvaise gestion des ressources naturelles, mais on y indique et démontre aussi comment la pauvreté généralisée et le niveau très bas des investissements consacrés au développement peut contribuer à fragiliser encore d’avantage les pays pauvres et rendre leur encore plus vulnérables. 

Moustapha SÈNE

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