mercredi 18 novembre 2015

Bénin : près de 100 hectares du site forestier de Pahou rasés


Située à une trentaine de kilomètres de Cotonou, la capitale économique du Bénin, en allant vers l'Est la forêt classée de Pahou a désormais perdu de son attrait verdoyant. Réputée pour ses lianes tondues et touffues, elle subit irréversiblement les ravages d’une destruction acharnée des riverains en quête de bois de chauffe. En moins de deux ans depuis 2013, près de 100 hectares d’un trésor forestier sont ainsi partis "en fumée" sans aucune mesure idoine de substitution. 

D'impressionnants lots de fagots de bois sont entassés tout autour du circuit éco-touristique de la forêt classée. De jeunes gens munis de coupe-coupe, de haches ou de machines sont à l’œuvre. Nos appareils photo et nos enregistreurs sont rangés. Ici, la moindre imprudence pourrait coûter aux journalistes un lynchage. Non loin du chantier, une file de camions attend d’effectuer le chargement. Des chargeurs occasionnels sont commis pour la tâche : « On nous paye entre 500 francs et 1000 francs Cfa pour une bâchée chargée », lance Raoul, 16 ans, qui s’empresse de rejoindre rapidement sa corvée suite à l’injonction violente de son Chef d’équipe. « Ce travail n’est pas facile, il faut surtout faire attention à ne pas se faire blesser », s’écrie Igor, un autre ramasseur. Tous ces ramasseurs viennent de Sègbanou, un village perdu dans la forêt, à près de deux kilomètres de la route inter-état Cotonou-Lomé. Ils viennent travailler surtout les jours du marché où la clientèle se fait plus disponible.

 Nous décidons donc de pister l’un des camions entièrement rempli de fagots de bois. Un chargement hors gabarit qui attire les regards de toute part. Le conducteur Koffi, la vingtaine, d’un torse impressionnant, bondit dans le fourgon tanguant après plusieurs coups de poucettes des ouvriers. Destination : Dantokpa. C’est le plus grand marché du Bénin. Après environ une heure et demie de route, le camion stationne sur un étrange site de Gbogbanou, un véritable bazar où l’on rencontre toute sorte de produits vivriers ; un marché dans un marché comme s’emploient à le reconnaître bien souvent les Cotonois. Ici, la marchandise sera vite déchargée par une équipe apprêtée sur place. La cliente, Madame Somassou, la cinquantaine, est très connue dans la fabrication de l’huile de palme : « Sans le bois, nous ne pouvons pas produire de l’huile de palme que les Béninois aiment si tant ». A la question de savoir si elle n’utilise pas d’autres sources d’énergie pour remplacer le bois, la dame s’en remet à l’Etat « si l’Etat nous propose d’autres moyens pour remplacer le bois, nous on n’aura pas d’autre choix, mais actuellement, personne ne nous dit rien et nous on doit manger et scolariser nos enfants. Comment faire Monsieur le journaliste ? ».
La même question, les exploitants forestiers se la posent justement. Bertin Goudou, Président de l’Association des usagers et exploitants du bois du Bénin se lâche : « Contrairement à ce qui se dit, nous en notre sein, nous menons des activités de reboisement, car sans la matière première qu’est le bois, nos industries ne peuvent pas fonctionner ». Clément Kotan, actif depuis une trentaine d’années au sein de la société civile béninoise sur les questions de protection de l’environnement est inconsolable : « C’est de l’incivisme à outrance de la part des exploitants ». Le Directeur de l’Unité de protection de l’environnement poursuit « à l’allure où évolue la déforestation, nous risquons de conduire le pays dans le désert ».

En dehors de ce genre de circuit d’exploitation frauduleuse de bois, des réseaux plus denses sont tissés avec des multinationales étrangères. Face à l’inaction de l’Etat, la société civile, sans grand moyen, tente vainement de contrecarrer ce qu’elle appelle l’« incivisme des citoyens » à travers une guerre médiatique par laquelle elle dénonce la légèreté des textes et décisions prises par l’Etat. L’exportation transcontinentale du bois semble avoir plus que jamais gagné du terrain. Le 26 avril 2012, les autorités béninoises, par une décision ministérielle, avaient interdit la pratique de l’exploitation abusive de la forêt et celle de l’exportation du bois. Mais il y a quelques semaines, plusieurs cargaisons de camions transportant du bois avaient été arraisonnées près de la frontière togolaise.   

Aujourd’hui, l’indignation se fait de plus en plus grandissante au Bénin au sujet de la déforestation qui s’accélère en raison de l’exploitation des espaces forestiers et de l’exportation massive du bois. Une pratique lourde de conséquences sur le dérèglement climatique. 

Toussaint Kounouho

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