Située à une trentaine de kilomètres
de Cotonou, la capitale économique du Bénin, en allant vers l'Est la forêt
classée de Pahou a désormais perdu de son attrait verdoyant. Réputée pour ses
lianes tondues et touffues, elle subit irréversiblement les ravages d’une
destruction acharnée des riverains en quête de bois de chauffe. En moins de
deux ans depuis 2013, près de 100 hectares d’un trésor forestier sont ainsi
partis "en fumée" sans aucune mesure idoine de substitution.
D'impressionnants lots de fagots de
bois sont entassés tout autour du circuit éco-touristique de la forêt classée.
De jeunes gens munis de coupe-coupe, de haches ou de machines sont à l’œuvre.
Nos appareils photo et nos enregistreurs sont rangés. Ici, la moindre
imprudence pourrait coûter aux journalistes un lynchage. Non loin du chantier,
une file de camions attend d’effectuer le chargement. Des chargeurs
occasionnels sont commis pour la tâche : « On nous paye entre 500 francs et 1000 francs Cfa pour une bâchée
chargée », lance Raoul, 16 ans, qui s’empresse de rejoindre rapidement
sa corvée suite à l’injonction violente de son Chef d’équipe. « Ce travail n’est pas facile, il faut surtout
faire attention à ne pas se faire blesser », s’écrie Igor, un autre
ramasseur. Tous ces ramasseurs viennent de Sègbanou, un village perdu dans la
forêt, à près de deux kilomètres de la route inter-état Cotonou-Lomé. Ils
viennent travailler surtout les jours du marché où la clientèle se fait plus
disponible.
Nous décidons donc de pister l’un
des camions entièrement rempli de fagots de bois. Un chargement hors gabarit
qui attire les regards de toute part. Le conducteur Koffi, la vingtaine, d’un
torse impressionnant, bondit dans le fourgon tanguant après plusieurs coups de
poucettes des ouvriers. Destination : Dantokpa. C’est le plus grand marché
du Bénin. Après environ une heure et demie de route, le camion stationne sur un
étrange site de Gbogbanou, un véritable bazar où l’on rencontre toute sorte de
produits vivriers ; un marché dans un marché comme s’emploient à le
reconnaître bien souvent les Cotonois. Ici, la marchandise sera vite déchargée
par une équipe apprêtée sur place. La cliente, Madame Somassou, la
cinquantaine, est très connue dans la fabrication de l’huile de
palme : « Sans le bois,
nous ne pouvons pas produire de l’huile de palme que les Béninois aiment
si tant ». A la question de savoir si elle n’utilise pas d’autres sources
d’énergie pour remplacer le bois, la dame s’en remet à l’Etat « si l’Etat nous propose d’autres moyens pour
remplacer le bois, nous on n’aura pas d’autre choix, mais actuellement,
personne ne nous dit rien et nous on doit manger et scolariser nos enfants.
Comment faire Monsieur le journaliste ? ».
La même question, les exploitants
forestiers se la posent justement. Bertin Goudou, Président de l’Association
des usagers et exploitants du bois du Bénin se lâche : « Contrairement à ce qui se dit, nous en notre
sein, nous menons des activités de reboisement, car sans la matière première
qu’est le bois, nos industries ne peuvent pas fonctionner ». Clément Kotan,
actif depuis une trentaine d’années au sein de la société civile béninoise sur
les questions de protection de l’environnement est
inconsolable : « C’est de
l’incivisme à outrance de la part des exploitants ». Le Directeur de
l’Unité de protection de l’environnement poursuit « à l’allure où évolue la déforestation, nous risquons de conduire le
pays dans le désert ».
En dehors de ce genre de circuit
d’exploitation frauduleuse de bois, des réseaux plus denses sont tissés avec
des multinationales étrangères. Face à l’inaction de l’Etat, la société civile,
sans grand moyen, tente vainement de contrecarrer ce qu’elle appelle l’« incivisme des citoyens » à travers une guerre médiatique par laquelle elle
dénonce la légèreté des textes et décisions prises par l’Etat. L’exportation
transcontinentale du bois semble avoir plus que jamais gagné du terrain. Le 26
avril 2012, les autorités béninoises, par une décision ministérielle, avaient
interdit la pratique de l’exploitation abusive de la forêt et celle de
l’exportation du bois. Mais il y a quelques semaines, plusieurs cargaisons de
camions transportant du bois avaient été arraisonnées près de la frontière
togolaise.
Aujourd’hui, l’indignation se fait
de plus en plus grandissante au Bénin au sujet de la déforestation qui
s’accélère en raison de l’exploitation des espaces forestiers et de
l’exportation massive du bois. Une pratique lourde de conséquences sur le
dérèglement climatique.
Toussaint
Kounouho
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