lundi 9 novembre 2015

Cop21: L’accord de Paris risque d’être un traité à minima !


Tous à la traine. En l’état actuel, les contributions annoncées ne sont pas seulement loin des niveaux requis pour maintenir le réchauffement global dans la limite de 2° Celsius, mais en plus ces contributions cachent des subtilités concernant les années de référence (1990, 2005), les horizons temporels utilisés (2030, 2050), les moyens de réduction préconisés et la part de chaque pays dans les émissions globales. Ces subtilités brouillent les comparaisons entre pays.


Arrêtons-nous, un moment sur le cas atypique de l’Australie. Voilà un pays dont la production d’électricité repose essentiellement sur le charbon (70%). Les énergies renouvelables ne rentrent que pour 4 % dans le bilan énergétique national. Face à cette situation, l’ancien gouvernement australien avait préconisé des réductions d’émissions de gaz à effet de serre allant de 40 à 65 % d’ici 20130. Le nouveau gouvernement néo-conservateur arrivé récemment au pouvoir, a prévu de ramener cet objectif à seulement 26 %. A ce rythme, il faudra plus qu’une génération avant que l’économie australienne ne soit neutre en carbone.
Le cas de l’Australie n’est pas un cas isolé. Des pays comme la Russie, le Canada sont tous aussi à la traine. Le Canada, qui était sorti du protocole de Kyoto accuse un retard énorme pour être au même niveau que les pays européens. Des pays comme la Nouvelle Zélande et le Japon envisagent comme l’Australie, de mettre en exploitation de nouvelles centrales à charbon.
L’Arabie saoudite, pour ne prendre que cet exemple parmi les pays dont l’économie repose sur l’exploitation pétrolière, ne veut pas entendre parler de l’objectif de 2° Celsius, car cela signifie pour elle des réductions d’émissions de l’ordre de 40 à 70 % d’ici 2030.
Tout n’est pourtant pas totalement sombre concernant les pays développés : les pays de l’Union européenne viennent de s’accorder sur un plan climat prévoyant des réductions d’au moins 40 % d’ici 2030. En tant que troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre, l’Europe peine à tirer les pays industrialisés vers le haut.
S’agissant du pays de l’oncle Sam, on a la ‘’chance’’ que son actuel président ne soit plus préoccupé par une campagne électorale. Le plan climat que Barack Obama vient de dévoiler préconise des réductions d’émissions de 32 % d’ici 2030. Dans un pays ou 39 % de l’électricité provient du charbon et ou près de 170.000 personnes vivent encore de l’économie du charbon, cela est un pas à saluer, bien que très insuffisant rapporté à la part des Etats Unis dans l’objectif de maintenir le réchauffement sous la barre des 2° Celsius.
Quant aux pays émergents (Chine, Brésil, Inde, etc.), ils semblent disposés à partager l’objectif de 2° Celsius. Mais, le défi auquel ils sont confrontés, c’est de concilier des objectifs de réduction d’émissions aussi contraignants avec les besoins énormes de développement de leurs populations respectives.
Les positions de certains vont certainement bouger d’ici la Conférence de Paris, mais elles n’auront pas suffisamment bougé pour rendre possible un accord ambitieux et contraignant autour de 2° Celsius de réchauffement global. Certains observateurs pensent qu’il faut d’ores et déjà envisager de nouveaux rounds de négociation - Paris II, III, qui sait ! -  avant qu’un accord plein ne soit trouvé.
Et l’Afrique dans tout cela !
Comme à la veille de chaque négociation, l’on ne peut s’empêcher de relever le contraste entre le poids réel de l’Afrique, en termes de nombre de pays, donc de vote et sa capacité à peser sur le cours des négociations internationales, notamment celles sur l’environnement et le développement durable. Pendant longtemps, les pays africains ont éprouvé des difficultés à définir des positions de négociation communes et à négocier d’une seule voie. Certains faits récents témoignent, toutefois, de l’émergence d’un nouveau leadership politique africain pour ce qui concerne les négociations sur le climat. Le blocage du Groupe de travail sur le Protocole de Kyoto, lors de la session préparatoire de Copenhague, à Barcelone en novembre 2009, par le Groupe africain est un signe que l’Afrique prend conscience de son poids. Le Groupe Africain avait exigé et obtenu que les discussions sur les objectifs de réduction des émissions de Gaz à effet de Serre, précèdent les travaux du Groupe de travail sur le protocole e Kyoto. Il y a ensuite tout le travail abattu par la Conférence Ministérielle Africaine sur le climat pour présenter une position africaine unifiée à Copenhague. Le document présenté avait abouti à la création d’une plateforme commune africaine historique sur le climat. L’accord de Copenhague n’avait pas reflété les positions africaines, mais l’Afrique n’a jamais été aussi proche de parler d’une seule et même voix qu’à cette occasion. Il faut souhaiter la même dynamique avant, durant et après la Conférence de Paris.
S’agissant de la Conférence de Paris, les pays africains s’attellent à l’élaboration d’une position commune depuis le mois de janvier 2015, avec l’aide de ClimDev-Afrique. Cette position commune s’articule autour de l’adoption, à Paris, d’un accord juridiquement contraignant, mais fondé sur le principe de responsabilité commune mais différenciée, l’engagement à maintenir le réchauffement global en dessous de 1.50° Celsius, soit un objectif de réduction d’émissions plus ambitieux encore et la mobilisation de ressources financières additionnelles et adéquates pour supporter les couts de ladaptation aux effets du changement climatique.
Mieux, plusieurs pays africains à l’exception notable du Nigéria, ont déjà fait parvenir leurs propositions de contribution à la réduction des émissions de gaz à effet de serre avant la date limite du 1er octobre 2015. Il s’agit maintenant de se présenter en ordre de bataille prêts à ‘’guerroyer’’ en vue de mobiliser les financements requis. Le fonds vert censé être alimenté à hauteur de 100 milliards de dollars par an jusqu’en 2020, est loin d’être suffisamment approvisionné, à moins d’un mois de la COP 21.


Mais quel que soit le contenu de l’accord qui sera trouvé à Paris, la véritable question posée aux dirigeants africains, est celle de la viabilité des économies africaines. Les pays africains, c’est connu, sont les plus vulnérables aux conséquences du réchauffement et aucun secteur d’activité (économie, infrastructures, santé, agriculture, etc.) n’est à l’abri des effets du réchauffement du climat. A partir de ce moment, il devient impératif que le leadership sur les dossiers climat visant l’Afrique soit assuré par les institutions africaines. Or, quand on analyse les initiatives sur le climat visant l’Afrique, que ce soit dans le domaine de la recherche ou de l’élaboration et la mise en œuvre des projets, on note que celles-ci sont en grande partie régentées depuis l’extérieur.

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