Tous à la traine. En l’état actuel, les contributions
annoncées ne sont pas seulement loin des niveaux requis pour maintenir le
réchauffement global dans la limite de 2° Celsius, mais en plus ces
contributions cachent des subtilités concernant les années de référence (1990,
2005), les horizons temporels utilisés (2030, 2050), les moyens de réduction préconisés
et la part de chaque pays dans les émissions globales. Ces subtilités
brouillent les comparaisons entre pays.
Arrêtons-nous, un moment sur le cas atypique de l’Australie. Voilà
un pays dont la production d’électricité repose essentiellement sur le charbon
(70%). Les énergies renouvelables ne rentrent que pour 4 % dans le bilan
énergétique national. Face à cette situation, l’ancien gouvernement australien
avait préconisé des réductions d’émissions de gaz à effet de serre allant de 40
à 65 % d’ici 20130. Le nouveau gouvernement néo-conservateur arrivé récemment
au pouvoir, a prévu de ramener cet objectif à seulement 26 %. A ce rythme, il
faudra plus qu’une génération avant que l’économie australienne ne soit neutre
en carbone.
Le cas de l’Australie n’est pas un cas isolé. Des pays comme
la Russie, le Canada sont tous aussi à la traine. Le Canada, qui était sorti du
protocole de Kyoto accuse un retard énorme pour être au même niveau que les
pays européens. Des pays comme la Nouvelle Zélande et le Japon envisagent comme
l’Australie, de mettre en exploitation de nouvelles centrales à charbon.
L’Arabie saoudite, pour ne prendre que cet exemple parmi les
pays dont l’économie repose sur l’exploitation pétrolière, ne veut pas entendre
parler de l’objectif de 2° Celsius, car cela signifie pour elle des réductions
d’émissions de l’ordre de 40 à 70 % d’ici 2030.
Tout n’est pourtant pas totalement sombre concernant les pays
développés : les pays de l’Union européenne viennent de s’accorder sur un
plan climat prévoyant des réductions d’au moins 40 % d’ici 2030. En tant que
troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre, l’Europe peine à tirer les
pays industrialisés vers le haut.
S’agissant du pays de l’oncle Sam, on a la ‘’chance’’ que son
actuel président ne soit plus préoccupé par une campagne électorale. Le plan
climat que Barack Obama vient de dévoiler préconise des réductions d’émissions
de 32 % d’ici 2030. Dans un pays ou 39 % de l’électricité provient du charbon
et ou près de 170.000 personnes vivent encore de l’économie du charbon, cela
est un pas à saluer, bien que très insuffisant rapporté à la part des Etats
Unis dans l’objectif de maintenir le réchauffement sous la barre des 2°
Celsius.
Quant aux pays émergents (Chine, Brésil, Inde, etc.), ils
semblent disposés à partager l’objectif de 2° Celsius. Mais, le défi auquel ils
sont confrontés, c’est de concilier des objectifs de réduction d’émissions
aussi contraignants avec les besoins énormes de développement de leurs populations
respectives.
Les positions de certains vont certainement bouger d’ici la
Conférence de Paris, mais elles n’auront pas suffisamment bougé pour rendre
possible un accord ambitieux et contraignant autour de 2° Celsius de
réchauffement global. Certains observateurs pensent qu’il faut d’ores et déjà envisager
de nouveaux rounds de négociation - Paris II, III, qui sait ! - avant qu’un accord plein ne soit trouvé.
Et l’Afrique dans tout
cela !
Comme à la veille de chaque négociation, l’on ne peut
s’empêcher de relever le contraste entre le poids réel de l’Afrique, en termes
de nombre de pays, donc de vote et sa capacité à peser sur le cours des
négociations internationales, notamment celles sur l’environnement et le
développement durable. Pendant longtemps, les pays africains ont éprouvé des
difficultés à définir des positions de négociation communes et à négocier d’une
seule voie. Certains faits récents témoignent, toutefois, de l’émergence d’un nouveau
leadership politique africain pour ce qui concerne les négociations sur le
climat. Le blocage du Groupe de travail sur le Protocole de Kyoto, lors de la
session préparatoire de Copenhague, à Barcelone en novembre 2009, par le Groupe
africain est un signe que l’Afrique prend conscience de son poids. Le Groupe Africain
avait exigé et obtenu que les discussions sur les objectifs de réduction des
émissions de Gaz à effet de Serre, précèdent les travaux du Groupe de travail
sur le protocole e Kyoto. Il y a ensuite tout le travail abattu par la
Conférence Ministérielle Africaine sur le climat pour présenter une position
africaine unifiée à Copenhague. Le document présenté avait abouti à la création
d’une plateforme commune africaine historique sur le climat. L’accord de
Copenhague n’avait pas reflété les positions africaines, mais l’Afrique n’a
jamais été aussi proche de parler d’une seule et même voix qu’à cette occasion.
Il faut souhaiter la même dynamique avant, durant et après la Conférence de
Paris.
S’agissant de la Conférence de Paris, les pays africains
s’attellent à l’élaboration d’une position commune depuis le mois de janvier
2015, avec l’aide de ClimDev-Afrique. Cette position commune s’articule autour
de l’adoption, à Paris, d’un accord juridiquement contraignant, mais fondé sur le principe de responsabilité
commune mais différenciée, l’engagement à maintenir le réchauffement global en dessous de 1.50°
Celsius, soit un objectif de réduction d’émissions plus ambitieux encore et la
mobilisation de ressources financières additionnelles et adéquates pour supporter
les couts de l’adaptation
aux effets du changement climatique.
Mieux, plusieurs pays africains à l’exception notable du
Nigéria, ont déjà fait parvenir leurs propositions de contribution à la
réduction des émissions de gaz à effet de serre avant la date limite du 1er
octobre 2015. Il s’agit maintenant de se présenter en ordre de bataille prêts à
‘’guerroyer’’ en vue de mobiliser les financements requis. Le fonds vert censé
être alimenté à hauteur de 100 milliards de dollars par an jusqu’en 2020, est loin
d’être suffisamment approvisionné, à moins d’un mois de la COP 21.
Mais quel que soit le contenu de l’accord qui sera trouvé à
Paris, la véritable question posée aux dirigeants africains, est celle de la
viabilité des économies africaines. Les pays africains, c’est connu, sont les
plus vulnérables aux conséquences du réchauffement et aucun secteur d’activité
(économie, infrastructures, santé, agriculture, etc.) n’est à l’abri des effets
du réchauffement du climat. A partir de ce moment, il devient impératif que le
leadership sur les dossiers climat visant l’Afrique soit assuré par les institutions
africaines. Or, quand on analyse les initiatives sur le climat visant
l’Afrique, que ce soit dans le domaine de la recherche ou de l’élaboration et
la mise en œuvre des projets, on note que celles-ci sont en grande partie régentées
depuis l’extérieur.
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